Quel a été ton parcours jusqu’à Singapour ?
Moi qui adore les branches (j’y reviendrai plus loin), je peux dire qu’avec mon mari puis notre fille, nous sommes allés de branche en branche : la première fois que nous avons quitté l’hexagone, nous nous sommes installés à Tahiti, avec seulement deux valises ! Ensuite nous avons vécu à Sydney, à Tokyo, à Sydney à nouveau pendant la période compliquée du Covid, avant de nous installer il y a 4 ans à Singapour. Nous avons la chance de faire des séjours assez longs, ce qui me laisse le temps de m’imprégner des pays dans lesquels je vis, de créer des liens d’amitié solides avec des « locaux » et de développer ma clientèle pour mon atelier.
Qu’est-ce qui t’a amenée à l’Ikebana ?
Les fleurs ont toujours fait partie intégrante de mon environnement. Leur présence apporte une sensation de paix et de bien-être dans mon intérieur. Dès mon arrivée à Tokyo en 2011, j’ai été immédiatement attirée par l’art floral japonais, l’Ikebana. Intriguée et désireuse d’apprendre, j’ai rejoint l’école Sogetsu… sans imaginer à quel point cette décision allait transformer ma vie.
Est-ce que tu peux former des personnes à devenir enseignants comme toi ?
Oui, tout à fait. En tant que professeur certifié de l’école Sogetsu, j’accompagne mes élèves pas à pas dans leur apprentissage. Certains pratiquent l’Ikebana simplement pour le plaisir et le bien-être que cela procure. D’autres choisissent de suivre le cursus complet de l’école, qui leur permet, au fil des certifications, de devenir à leur tour enseignants et de transmettre cet art.
Que signifie Reiwa ?
Reiwa signifie harmonie et beauté. Ce nom m’a été donné en 2016 lorsque je suis devenue professeur. C’est une tradition au Japon : l’élève reçoit un kanji du nom de son professeur et l’utilise pour créer son propre nom d’artiste. Cela marque son passage au statut d’enseignant et son engagement dans l’art de l’Ikebana.
Ce nom symbolise à la fois une nouvelle identité artistique et le lien indéfectible entre le maître et son élève. Pour la petite histoire, Reiwa est aussi le nom de l’ère actuelle du Japon, mais avec des kanjis différents, qui signifient « beauté et harmonie entre les peuples ».
Quelles sont les différences fondamentales entre un bouquet occidental et une composition Ikebana ?
En Occident, la composition florale met souvent l’accent sur l’abondance, la couleur et le volume. En Ikebana, on commence toujours par une intention. Chaque élément (une fleur, une branche, un espace vide) est choisi et placé avec soin pour créer une harmonie entre la nature et l’espace environnant. L’Ikebana ne cherche pas à impressionner par la quantité, mais à révéler l’essentiel et à exprimer une émotion.
L’école Sogetsu, à laquelle j’appartiens, propose une vision moderne de l’Ikebana : chacun peut créer librement, en tout lieu et à tout moment.
Où trouves-tu les végétaux ?
Je m’approvisionne principalement sur les marchés et chez les grossistes de Singapour. Mais j’aime aussi utiliser des éléments glanés dans la nature ou réemployer des matériaux existants. Une simple branche trouvée au détour d’une promenade, ou une feuille récupérée après un atelier, peuvent devenir la pièce maîtresse d’une composition. L’Ikebana nous apprend à regarder différemment ce qui nous entoure et à redonner vie à ce qui semblait ordinaire.
Quels sont les profils des personnes qui participent à tes ateliers ?
Ils sont très variés. J’accueille aussi bien des particuliers que des professionnels, des débutants curieux que des passionnés qui souhaitent approfondir leur pratique. Ce que j’aime, c’est que l’Ikebana transcende les frontières culturelles et linguistiques : chacun peut y trouver sa propre voix. Pour certains, c’est un moment de bien-être, pour d’autres un espace d’expression créative. L’Ikebana révèle que la créativité est un langage universel, capable de relier les êtres humains entre eux et à la nature.
Combien de participants peux-tu accueillir ?
Les ateliers sont en général de 12 personnes et durent 2 à 2 heures 30. On prend le temps d’échanger pour que ce temps et cette création partagés soient riches et laissent des souvenirs.
Quelle est l’activité qui t’occupe le plus entre les ateliers, les compositions pour des clients ou les expositions ?
Les ateliers occupent une place centrale dans mon activité. Ils sont des moments privilégiés de transmission, de partage et de créativité. J’y enseigne bien sûr une technique, mais aussi une manière de regarder et de ressentir la nature. À côté de cela, je crée des compositions pour des événements ou des espaces privés et professionnels, et je participe à des expositions. Chaque dimension nourrit les autres : enseigner, créer et exposer font partie d’un même chemin artistique.
Quelle est ta fleur ou ton végétal préféré ?
Je le mentionnais de façon détournée dans ta première question : j’ai une affection particulière pour les branches. Elles apportent mouvement, caractère et structure à une composition. Elles permettent de créer des lignes fortes, parfois plus expressives que les fleurs elles-mêmes.
Et au fond, ce qui me passionne, c’est de révéler la beauté singulière de chaque matériau, même le plus simple. Dans un esprit d’éco-responsabilité j’aime bien utiliser des matériaux très différents : du fil de fer, du tissu… Pour une demande très particulière à Sydney, j’avais même utilisé un vieux ballon de football en guise de vase !
Quel est le service le plus demandé : atelier individuel, en équipe, décoration de bureaux ou événementiel ?
Les ateliers sont ce que l’on me demande le plus souvent, qu’ils soient individuels ou en équipe. Ils offrent un moment de créativité et de partage, apprécié aussi bien par les particuliers que par les entreprises. Mais je réalise également des décorations florales pour des événements, des bureaux ou des intérieurs privés, toujours dans l’esprit de l’Ikebana : créer une harmonie entre la nature et l’espace.
Comment transportes-tu tes compositions ? Est-ce que tu les réalises sur place ?
Mes compositions sont d’abord pensées et élaborées dans mon atelier, où elles sont présentées au client pour validation. Puis le jour de l’événement, elles sont toujours réalisées sur place. L’Ikebana ne se transporte pas comme un bouquet : chaque création est conçue pour s’harmoniser avec son environnement et doit prendre forme dans le lieu même où elle sera exposée.
Cela t’arrive-t-il de travailler avec des fleurs artificielles ?
Non, jamais. L’Ikebana est un art profondément lié au vivant et aux cycles de la nature. Les fleurs et les végétaux, avec leur fragilité et leur évolution, apportent une dimension essentielle à la composition. Les fleurs artificielles ne peuvent pas transmettre cette énergie ni cette authenticité.
Y a-t-il une fleur que tu rêverais de travailler ?
Je n’ai pas de fleur dont je rêve particulièrement. En revanche, il m’arrive de moins apprécier certaines variétés. Le fondement même de l’Ikebana est d’apprendre à travailler avec tout ce que la nature nous offre. Chaque fleur, chaque matériau a sa place et peut révéler une beauté singulière, même lorsqu’il ne nous attire pas spontanément.
As-tu déjà utilisé des poissons ou de petits animaux dans tes compositions ? Est-ce possible dans le cadre de l’Ikebana ?
Non, je n’ai jamais intégré d’animaux à mes compositions. L’Ikebana se concentre sur le dialogue entre le végétal, l’espace et la personnalité de l’artiste. L’animal n’y trouve pas sa place, car cet art met en valeur avant tout la nature végétale dans sa richesse et sa diversité.
Quelle est ta couleur préférée ?
Dans ma vie personnelle, ma couleur préférée est le orange, une teinte vive et chaleureuse qui me transmet beaucoup d’énergie.
En tant qu’ikebaniste, je n’ai pas de couleur de prédilection : toutes ont leur place et leur sens dans une composition. En Ikebana, la couleur jaune, par exemple, est souvent utilisée car elle représente la luminosité du soleil.
As-tu rencontré un client qui t’a particulièrement marquée ?
Oui, ma collaboration avec la maison Diptyque à Singapour reste un moment fort. J’y ai animé un atelier créatif dans leur boutique, autour d’un thème original : comment recycler un pot de bougie terminé. C’était l’occasion de montrer comment l’Ikebana peut dialoguer avec l’univers d’une marque et s’intégrer à son identité, en associant créativité, partage et démarche écoresponsable.
Cette expérience m’a confortée dans l’idée que l’Ikebana a toute sa place dans le monde de l’entreprise : pour enrichir un événement, sublimer un espace ou offrir aux équipes une expérience créative qui favorise la cohésion et le bien-être.
L’Ikebana est un art qui relie les personnes à la nature et à elles-mêmes. J’ai à cœur d’apporter cette expérience aux entreprises qui souhaitent offrir à leurs collaborateurs ou à leurs clients un moment de créativité et d’harmonie.
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