Cette année tu vas fêter tes vingt ans de vie à Atlanta. Comment y es-tu arrivée ?
Il aurait fallu une boule de cristal super efficace pour prédire que je passerai vingt ans de ma vie à Atlanta. J’ai commencé ma vie professionnelle par une mission de coopération militaire et de défense d’un an Cambodge, et trois ans en Australie. A mon retour j’avais exprimé des vœux d’aller aux Iles Fidji, à Singapour ou en Malaisie parce que j’avais adoré l’Asie du Sud et j’avais cette soif de voyager. Finalement on m’a offert un poste à l’autre bout du monde que je ne pouvais pas refuser. Et voilà comment j’ai posé mes valises à Atlanta que je n’ai plus quittée tant je m’y plais.
Qu’est-ce qui t’a amenée vers le recrutement ?
J’ai été directrice de l’Alliance Française pendant dix ans. J’ai adoré cette mission mais je n’avais pas de vie de famille car je travaillais souvent le soir et les week-ends. Je cherchais ma voie et c’est par hasard que je suis arrivée dans le secteur du recrutement, en occupant un poste qui faisait complétement écho à mes aspirations, ma personnalité et mon expérience. J’avais payé le prix de mauvais recrutements qui avaient eu des répercussions négatives sur la synergie au sein de mon équipe et je savais à quel point c’était une étape cruciale.
Comment est organisé votre cabinet ?
A YER USA nous sommes 45 consultants. Chacun est d’origine européenne et s’occupe des recrutements qui touchent son pays. Nous sommes cinq Français et nous gérons les entreprises francophones. Nous accompagnons les entreprises françaises dans leur chemin de croissance aux USA. Nous cherchons des gens qui ont la compétence interculturelle et qui ont une fibre et une volonté de travailler pour une société française. Nous recherchons des profils qui vont faire le pont entre les deux cultures.
Quelle est selon toi la plus grande différence culturelle au travail entre les Français et les Américains ?
Il y a tant de différences et de nuances qu’on pourrait écrire un livre ! Parmi celles que je peux citer, une nuance fondamentale concerne la prise de risque. Et cela a des répercussions énormes dans la façon de travailler et sur les résultats obtenus. Je prends un exemple : une société qui vend des machines complexes reçoit un appel d’offre. En mode « culture USA », le devis sera prêt le lendemain. En mode « culture France », le devis sera prêt en une semaine. L’équipe américaine, prend le risque de ne pas aller trop dans les détails, et préfère être rapide. L’équipe française va étudier tous les détails, tous les scénarios pour mettre un maximum de chances de son côté de l’emporter.
Une autre grande différence réside dans la manière de gérer les conflits. Les Français les gèrent directement et passent à autre chose. Les Américains détestent les conflits et vont tout faire pour les éviter.
Enfin, je voudrais citer le service client. Aux Etats-Unis, quand on dit que le client est roi, ce n’est pas qu’une formule de politesse. Il faut donc soigner son service client quand on travaille ici.
Est-ce un point qui est bien compris par les entreprises que vous accompagnez ?
Oui parce que c’est un sujet sur lequel nous nous permettons d’insister par expérience. Nous avons remarqué que les entreprises qui se projettent en Inde ou en Chine par exemple, vont beaucoup plus se préparer à une différence de culture. Pour les USA, la plupart pensent que la culture Américaine est très proche de la nôtre. La réalité est bien différente et il vaut mieux s’y préparer pour éviter de grosses déconvenues. La communication et le marketing ne doivent pas être traduits, ils doivent être complètement repensés.
Quelles sont en ce moment les fonctions ou métiers les plus recherchés ?
C’est difficile de répondre parce que nous ne travaillons que sur des marchés de niches. En général ce sont des postes dans le domaine des technologies de pointe. Beaucoup de nos clients cherchent des ingénieurs de terrain (Field Service Engineer). Ce sont des postes qui requièrent de voyager 90 % du temps, pour lesquels il est difficile de recruter. Nous travaillons aussi beaucoup sur des postes de gestion de projets.
Quel a été le poste le plus original pour lequel tu as eu à recruter ?
Chaque recrutement est différent et c’est ce que j’aime dans mon métier. Je me souviens d’un poste de directeur de Recherche et Développement où il s’agissait de travailler sur des formules de pâtes à pizza et de cookies congelés. On se disait tous que ça devait être un métier drôlement sympa.
Est-ce que vous avez une méthode de recrutement « maison » qui vous différencie ?
Absolument : notre politique c’est de faire passer tous les entretiens avant d’obtenir une liste de 3 à 5 candidats à présenter. On ne présente pas de CV dès qu’on pense qu’on en a un adéquat car on veut tous les étudier pour avoir les meilleurs de la sélection.
Nous nous focalisons aussi sur leur exposition aux deux cultures, ou même à d’autres cultures. On considère qu’un manageur sera meilleur et plus performant s’il a déjà travaillé dans un environnement multiculturel.
Quel conseil donnerais-tu à un candidat français qui postulerait pour un poste aux USA ?
Je lui recommanderais d’avoir un CV adapté au marché américain. La forme et la présentation sont très différentes des CV pour la France. Par exemple, il ne faut pas de photo, pas d’informations personnelles. Il doit être très factuel et aller droit à l’information pertinente si possible avec des chiffres. Le CV doit être « vendeur ». Je sais que pour des Français cela semble trop, car on ne nous éduque pas à cela. Mais ici c’est très important et c’est ce que les recruteurs attendent.
Il faut aussi dans la mesure du possible « travailler » son réseau : aller à des événements, rencontrer des gens.
Pour quel secteur d’activité préfères-tu recruter ?
C’est la beauté de mon poste. J’adore que chaque jour ce soit une aventure différente. Ce qui me fait le plus vibrer ce sont les postes qui concernent les énergies renouvelables, l’environnement, et ce qui a trait à la culture française.
Récemment j’avait un recrutement à faire pour une société qui récupère les gaz émis par les décharges publiques. Ça m’a beaucoup intéressée.
As-tu une anecdote à raconter ?
Ah oui celle-ci est assez incroyable : on recherchait quelqu’un pour gérer l’installation de plateformes d’hélicoptère pour les hôpitaux. Nous voulions quelqu’un qui soit pilote et ingénieur. On a recruté l’ancien pilote du Président Obama. Il a été choisi parce que de surcroit il avait travaillé pour une société européenne. C’était une super rencontre et il a été recruté.