Quand as tu créé ta marque ?
Cette aventure totalement hors de ma « destinée programmée » a commencé en 2018. Par « destinée programmée », je veux dire que je suis ingénieure de formation, avec une suite logique dans la tech. J’avais une start-up avec des amis et nous faisions de l’analyse de données, entre autres pour la marque de cosmétiques coréenne Laneige. Cette mission m’a ouvert les yeux sur l’impact environnemental du secteur, puis de celui de la mode. Je me suis intéressée de plus en plus à ce qu’il advenait des déchets de la mode et j’ai appris qu’au Maroc par exemple, les tissus étaient brulés au feu ou à l’acide, ou abandonnés en plein air à une dégradation incontrôlée. J’ai eu envie d’apporter une solution. En février 2019 L2R The Label est née avec une première collection de 50 pièces.
On crée nos collections de vêtements uniquement à partir de « reliquats » de l’industrie textile et d’ateliers de confection. Nous avons principalement des pièces uniques ou des modèles en petit nombre. Le but c’est une mode zéro déchets : on travaille en circuit fermé. C’est-à-dire que tout est réinjecté dans d’autres pièces comme des poches appliquées, des sacs, des pochettes, des chouchous… Avec les petits bouts, nous fournissons une association caritative ici aux USA qui aide les femmes à développer des compétences artisanales : elles fabriquent des cadres photos et des tapis.
Nous sommes aussi certifiés par le label écoresponsable Greenspark.
Où sont vendus vos articles ?
On commercialise via le site web ou via des popups. Notre marque est référencée sur des sites de e-commerce. On est présent sur les plateformes Wolf and Badger, et Very. On commence aussi à collaborer avec 3 magasins : 1 à Los Angeles et 2 à New-York.
Quels ont été tes plus gros challenges ?
On a dû faire un gros travail d’éducation auprès des ateliers et usines car ils ne voulaient pas nous fournir. Il fallait les convaincre. Au début on pensait beaucoup aux tissus, et pas encore économie d’échelle ni répétabilité du design. Ça nous a permis de tester le marché d’abord et de recevoir les réactions des clients.
Quelles opportunités ont été déterminantes ?
Comme j’ai de la famille au Maroc, c’était plus facile de nouer des contacts et de se positionner en apporteur de solution : beaucoup d’usines se sont retrouvées avec des gros métrages en stock qui étaient « passés de mode » en raison de la pandémie.
Nous avons aussi pu collaborer avec des personnes qui travaillent le tissu de façon très naturelle. Par exemple, nous travaillons avec une famille qui fait du plissage de façon artisanale et traditionnelle. De surcroit, ils recyclent l’eau qu’ils utilisent par évaporation.
Notre marque étant écoresponsable, nous avons eu une subvention de la Banque Mondiale qui nous a permis d’acheter plus de tissus.
Comment êtes-vous organisés ?
Au Maroc on est 6 et à New York on est deux. Je travaille beaucoup avec des free lancers. Et tout ce que je peux faire moi-même ou avec des amies, je m’y consacre. Pour te donner un exemple, pour les séances photo, on a choisi de poser avec des amies. Non seulement c’est plus sympa, mais cela correspond aussi à l’image d’une mode qui se porte tous les jours.
Tous nos vêtements sont confectionnés au Maroc, importés aux USA. Nous envisageons d’avoir un centre en France d’où seront distribuées nos pièces pour le marché européen.
Quels sont vos projets de développement ?
J’ai participé à un évènement chez Doors et j’ai réalisé qu’il faudrait qu’on ait une équipe de relations publiques, et qu’on travaille plus sur le marketing. Cela peut vraiment booster une marque.
On a aussi fait deux défilés lors de la Fashion Week de New-York en septembre 2019 et en février 2022. C’est le type d’aventure que l’on veut réitérer.
En ce qui concerne la partie relocation de mon business mes clients arrivent du monde entier (Europe, Asie, Amérique du Sud, …). J’assiste les compagnies telles que Air France KLM, Mercedes Benz, Honeywell, TKE, Lidl, Equans, PwC,… qui sont ou déjà implantées ou ouvrent de nouveaux bureaux a Atlanta.
Comment est perçue ta marque par les Américains dont on a une image d’ultra consommateurs, peu intéressés par les questions environnementales ?
Quand je raconte la genèse et le but de la marque, ils sont touchés. Une fois que les clientes viennent elles sont très loyales. J’en ai même souvent qui me demandent si j’ai encore une pièce ou si je vais en refaire.
On a des vêtements qui ont été portés par des acteurs et actrices car leurs stylistes avaient choisi nos pièces. Et deux influenceuses ont parlé de nos vêtements.
Est-ce que tu as une anecdote à raconter ?
Je crois que dans la vie, il faut écouter les conseils, mais il faut aussi suivre ses idées. Quand mon père a vu que je m’intéressais aux « déchets » textiles, il m’a dit « mais enfin quoi ? Tu as fait math sup, math spé, tu es ingénieure, et tout ça pour maintenant t’intéresser aux poubelles ? ». Je pense qu’il voit maintenant où je voulais en venir !