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Pompier à Las Vegas

Pompier à Las Vegas
Christophe Lévy est, à ma connaissance, le seul pompier français qui est aussi pompier Américain. Il nous raconte son parcours hors normes depuis Las Vegas où il vit avec sa femme et leur fils.

Comment es-tu arrivé aux USA ?

J’ai été pompier 20 ans en France, d’abord dans les Landes, ma région d’origine, puis à Paris. Depuis 2002 chaque année je tentais ma chance à la loterie de la Green Card car nous rêvions des USA, spécifiquement de New-York (idée vite avortée à cause du coût de la vie) et Los Angeles. Nous étions déjà venus et nous avions adoré les grands parcs, les grands espaces. 

Et puis en 2015 j’ai gagné ! Comme nous étions mariés, cela valait pour nous deux. Jessica était enceinte alors on a pris un temps de réfléchir et puis on a décidé de tout vendre et de partir. Elle avait un job dans la tech et a postulé pour un poste chez Indeed à Austin qu’elle a eu. Nous y avons habité jusqu’en 2022. Nous avions une société de rénovation de maisons qui cartonnait : Titi & Jess Remodeling, que nous poursuivons ici sous le nom de Levy Concept & Remodeling. (C’est ma deuxième activité dont je pourrai te parler une autre fois).

Pourquoi ce virage vers Las Vegas ?

C’était mon rêve de venir habiter ici. Non pas pour le strip où on ne va jamais, à part pour le montrer à nos visiteurs, mais pour la qualité de vie et la nature : de notre maison on voit les montagnes, les parcs sont à proximité et on a la plage et le ski à portée de main. Une plage sublime au bord du Colorado et des pistes de ski à 50 minutes. 

Jessica travaille dans les sciences cognitives et l’IA et peut travailler à distance en se rendant de temps en temps à Austin. 

Et alors, comment as-tu réalisé l’exploit de devenir pompier professionnel à Las Vegas le jour de tes 44 ans ?

A 16 ans j’étais pompier volontaire. A 18 ans je suis devenu Pompier professionnel à Anglet où je faisais partie de la caserne du BAB. Puis j’ai été 5 ans pompier de Paris.

Aux USA je voulais continuer mon métier passion : mais au Texas il faut avoir moins de 35 ans. En revanche, les États de la côte Ouest n’ont pas cette limite. Le prérequis c’est l’EMT, un examen qui se déroule sur 6 mois. J’étais tellement motivé que je l’ai passé en 2 mois. Je bossais tous les jours en mettant ma vie entre parenthèses. Je ne me suis accordé qu’un jour de repos. 

Ensuite j’ai passé toute une batterie d’entretiens pour intégrer l’académie. Le Fire chief m’a dit : « on est super embêtés avec ton cas en raison de ton âge. Mais on va te laisser une chance ». Sur 1000 candidats, ils en ont accepté 22. 2 ont abandonné et ils en ont retenu 20. S’en sont suivies 20 semaines d’enfer que je raconte sur ma page Facebook. La formation est paramilitaire, et je peux te dire qu’à 43 ans, je l’ai sentie passer. Mais j’étais tellement motivé et passionné que j’ai réussi. J’ai reçu mon diplôme je jour de mes 44 ans et le jour où je suis devenu citoyen américain. J’ai intégré ma caserne au Nord de Las Vegas en janvier 2024.

Mon grade est « firefighter ». Dans les feux je suis à la lance et dans les ambulances j’assiste le paramedic.

Comment sont organisés tes horaires ?

La brigade se compose d’environ 250 personnes réparties sur 9 casernes. On est en permanence 7 ou 8 présents par caserne. Je travaille 48 heures, puis j’ai 4 jours de repos et ceci toute l’année. Je peux prendre pas mal de congés et ainsi partir 4 semaines d’affilée en été. Ce rythme me convient mieux que celui que j’avais en France (24 heures d’affilée puis 2 jours de repos) et me permet de continuer notre activité de rénovation en parallèle.

Est-ce un métier plus reconnu qu’en France ?

Clairement oui. On est mieux payés (je gagne 2,5 fois le salaire que j’avais au bout de 20 ans) et le Nevada n’a pas d’impôt à part les taxes fédérales. Et puis comme je parle espagnol je reçois une prime.

Les gens sont hyper reconnaissants. Dès qu’ils nous voient en uniforme, ils nous disent des mots gentils comme « merci pour votre service », « merci pour ce que vous faites »… Ca ne m’est jamais arrivé en France. Ça me faisait bizarre au début, et finalement je trouve ça chouette ce réflexe de gratitude et de respect que les Américains ont.

Est-ce que tu as dû te former pour intervenir dans les gratte-ciels ?

Les grandes villes aux USA sont connes pour les gratte-ciels mais ici il y en a peu. Ma brigade n’intervient pas en ville : tous les bâtiments qui nous concernent ne font jamais plus de 4 étages. Ce sont des maisons, quelques casinos et des entrepôts. Donc c’est un environnement sensiblement comme en France.

Dans tes interventions, qu’est-ce qui est différent ?

Rien n’est pareil, dans le bon comme dans le mauvais sens. La façon de faire les interventions médicales : ici 2 on est deux, en France 3. Ici on est 1 paramedic et 1 firefighter. Le paramedic est l’équivalent du médecin du Samu. Il peut poser des voies, faire un prediagnostic, pratiquer des soins. 

Sur les interventions pures, je trouve qu’on faisait beaucoup de « bobologie » en France. Les gens nous appelaient pour des petites choses qui ne nécessitaient pas de mobiliser nos moyens. Ici on nous appelle pour des cas vraiment graves. Je te donne quelques cas :

on intervient beaucoup moins pour des gens en état d’ébriété, par contre beaucoup plus dans des cas d’usagers de drogues dures. On est habilité à donner des médicaments pour des overdoses. 

Il y a aussi beaucoup plus d’arrêts cardiaques qu’en France. 1 arrêt sur 2 concerne une personne en surpoids, voire obese. 

On intervient aussi beaucoup plus souvent pour des accidents par arme à feux : des blessés ou des morts. 

Et puis les accidents de circulation sont beaucoup plus fréquents. Il faut dire que les USA sont beaucoup moins rigoureux pour délivrer les permis de conduire. L’expression « pochette surprise » est réelle ici…

Quelle est l’intervention que tu redoutes ?

C’est une peur universelle dans notre métier : quand il s’agit d’enfants. J’ai eu un cas d’une fillette de 9 ans qui m’a marqué à vie. Heureusement ça n’arrive pas souvent, mais c’est déjà trop. 

Au niveau technique, ce que je redoute le plus c’est de ne pas bien comprendre un message radio. On l’utilise beaucoup pour communiquer : dans une situation de stress, avec beaucoup de bruit autour et la précipitation, je crains de mal comprendre. Mes collègues le savent alors on fait tous très attention. 

Y a-t-il eu une intervention récente qui t’a marqué ?

Il y a deux semaines on est intervenu pour un arrêt cardiaque d’une dame de 46 ans. Je lui ai fait un massage cardiaque dans l’ambulance sur le trajet de l’hôpital pendant 15 minutes. Quand on est arrivé, elle avait un pouls.

Et puis on a fait un accouchement récemment.

Dans tout ceci, ce qui est le plus frappant c’est que je me sens l’homme le plus heureux de Las Vegas ! J’adore ma vie, j’adore ce que je fais, j’ai une compagne géniale et un fils épanoui plein de promesses. Je vis ma meilleure vie !

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