Annuaire en accès 100% gratuit pour le public, abonnement 12USD par an pour tous les pros

Une romancière française en Californie

Corinne Cotereau, artiste peintre et toute nouvelle romancière, vit entre San Diego et Bordeaux. Elle nous parle de son parcours d’écrivain.

Qu’est-ce qui t’a amenée en Californie ?

J’ai profité de l’opportunité professionnelle de mon mari. Nous avions quitté San Diego pendant dix ans. Et nous y sommes revenus en février 2020, avec beaucoup de projets en tête et notamment, en ce qui me concerne, celui d’exposer dans une galerie d’art. Car entre temps, j’avais changé de carrière et suis passée de juriste à artiste-peintre. 

Comment es-tu devenue romancière, presque du jour au lendemain ?

A peine installée et prête à reprendre mes pinceaux et mes toiles blanches, arrive le grand chamboulement. Cette année 2020 a été un tournant dans ma vie à plus d’un titre : non seulement je déménageais, mais pour la première fois sans nos deux enfants. J’avais pourtant bien installé notre nid à San Diego avec même mon atelier de peinture au fond du jardin. C’est peu dire que j’ai ressenti le syndrome du nid vide : vide d’enfants, et vide de toute personne puisqu’on se retrouvait en plein confinement. Je n’avais plus de jus, plus d’inspiration pour peindre. 

Refusant de me laisser abattre, je me suis rappelée ce qui m’avait enthousiasmée à l’idée de revenir vivre en Californie. Avec mon mari nous adorons la randonnée, et nous avions des plans de partir à nouveau camper. Alors je me suis dit que j’allais préparer nos futures explorations pour le retour à la « vie normale ». J’ai donc commencé à m’évader grâce à Google Earth. Cela me faisait rêver et éveillait ma curiosité. Je m’amusais à suivre les chemins de randonnée vers l’Est. Et puis, au cours de mes explorations, j’ai découvert un pont de chemin de fer. Ce pont m’a finalement fait passer de l’ennui à l’inspiration et mon roman est né là. J’ai remplacé mes pinceaux et mes toiles par un stylo et des feuilles.

Pourquoi ce pont en particulier ?

Il m’a intriguée alors j’ai effectué des recherches : il s’avère que c’est le plus long pont de chemin de fer du monde, à tréteaux, perdu au milieu de nulle part, construit en 1920 et qui n’a jamais été restauré. Je me suis dit que c’était un trésor qui mériterait bien de devenir une attraction touristique. Et j’ai donc imaginé des personnages et une histoire, qui se passe à deux époques, l’une à la fin des années 90 et l’autre 20 ans plus tard. 

Quelle a été ta méthode pour écrire ?

J’ai écrit mon livre en deux étapes principales.

D’abord, je me suis beaucoup documentée sur ce pont, son histoire, ses aspects techniques, son statut actuel (il est interdit de monter dessus…). Puis j’ai créé mes personnages principaux et l’intrigue.

Puis pour écrire, je commençais le matin. C’est à ce moment que j’étais le plus productive. Parfois la journée était passée sans que je m’en rende compte. Mon pauvre mari n’existait plus pendant cette période. Ça a été comme une bulle, une cabane dans laquelle j’avais rendez-vous avec mes amis, mes personnages. 

J’ai mis 18 mois pour finir mon roman. Le « gag » c’est que j’ai commencé à écrire dans ma cuisine. On ne trouvait plus de chaises de bureau à acheter car tout le monde s’était rué dessus pour travailler à domicile. Je ne réalisais pas que j’étais mal installée et cela m’a déclenché une tendinite que j’ai dû soigner par de la rééducation. Travailler de mes mains était une bonne thérapie et je me suis mise à la céramique pendant trois mois, m’obligeant à une pause dans l’écriture. Finalement cela m’a permis de prendre du recul et de revenir sur certains passages.  

Est-ce que ça a été « facile » ?

Au début oui, mais vers le milieu ça a été plus fastidieux. C’est ce que les auteurs appellent « le ventre mou ». J’avais hâte d’arriver à la fin, mais j’avais beaucoup de choses à expliquer, d’éléments à détailler, de choses à vérifier pour que tout se tienne, surtout avec mes deux époques. Il fallait absolument y consacrer du temps.

Être publiée chez un grand éditeur comme Albin Michel est une performance : comment as-tu réussi ?

En 2018 j’avais écrit un premier roman. Je l’avais envoyé par courrier à de nombreuses maisons d’édition et n’avais essuyé que des refus. Je m’étais résignée en me disant que finalement je n’étais pas faite pour l’écriture. 

Pour Providence Canyon, que j’ai terminé en septembre 2021, j’ai voulu demander l’avis d’un écrivain. Je suivais sur Instagram l’écrivain et critique littéraire Gérard de Cortanze. Je me suis dit que j’allais lui demander de me donner son avis sur mes dix premières pages. Et à ma grande surprise il m’a répondu et offert de lire l’intégralité de mon roman. Pendant cinq semaines, je n’ai eu aucune nouvelle. Pour reprendre contact avec tact, j’ai acheté son dernier roman pour avoir un sujet d’entrée en matière. J’étais en train de rédiger un mail à son intention, quand il m’a contactée pour m’annoncer qu’il voulait proposer mon roman à Albin Michel. Ce que je ne savais pas c’est qu’il fait partie du comité de lecture chez Albin Michel. Et voilà comment Providence Canyon a été publié. La leçon c’est que dans la vie il faut oser.

Qui ont été tes premiers lecteurs ?

J’ai d’abord demandé à des amis de lire mon manuscrit. Ce n’est qu’ensuite que j’ai demandé à mon mari de le lire. Comme il est ingénieur je redoutais un peu qu’il relève des inepties techniques que j’aurais pu écrire. En fait, il a été bluffé et cela m’a énormément touchée. 

Quels sont tes projets ?

Je suis en train de travailler sur un autre roman, alors je te dirai quand il sera prêt. 

As-tu une anecdote à raconter ?

Une chose étrange m’est arrivée pendant le processus d’écriture de ce roman : je me suis tellement identifiée à Stéphanie qu’elle m’a soufflé une fin différente de celle prévue initialement. Comme si l’esprit de ce personnage s’était emparé de moi. Je ne peux pas trop en dire pour ne pas révéler l’histoire, mais un matin, j’ai eu comme une révélation et la fin est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. J’avais trouvé toutes les justifications pour que l’intrigue se tienne et rebondisse de plus belle. C’était un vrai miracle ! 

Partager

Sommaire