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Une sommelière en thé qui a du goût

Claire Schlumberger a un métier et une passion très originale qu'elle nous explique à travers son aventure "Clair Thé".


Comment as-tu découvert ce métier de sommelière en thé ?

Je viens d’une famille qui a toujours aimé le thé, et j’ai gardé ce goût. J’ai voyagé à Hong Kong où j’ai visité le musée du thé. En sillonnant ce musée, le thé est devenu ma passion. J’ai aussi fait des dégustations selon les méthodes traditionnelles chinoises qui m’ont ouverte sur un univers fascinant. Et puis quand nous sommes allés vivre au Canada, je me suis rendue compte que le thé était bien plus important chez eux qu’aux USA ; en tout cas qu’en Géorgie d’où nous venions. Et qu’il existait une formation spécifique que j’ai suivie.

Comment t’es-tu formée ?

Je me suis inscrite au George Brown College. Les cours étaient suivis par une dizaine d’étudiants au maximum. Autant te dire que c’était comme des cours particuliers ! Mes professeurs étaient Bill Kamula et quelques intervenants qui avaient des maisons de thé à Montréal et Toronto. Les cours étaient répartis en modules de 3, 4 mois sur deux ans. C’était génial de pouvoir suivre ces cours en présentiel. Il existe des formations en ligne, mais je pense que je n’en aurai pas retiré les mêmes bénéfices.

Quand as-tu lancé ton activité ?

J’ai eu mon diplôme en 2017 et j’ai passé un an à travailler dans des maisons de thé et à voyager dans différents pays pour aller à la rencontre des producteurs, et construire mon catalogue. En même temps je me suis constitué mon réseau. Et puis fin 2018 j’ai créé mon entreprise avec sa boutique en ligne. Mon événement inaugural a été la participation au marché de Noël de l’école internationale d’Atlanta.

Comment as-tu construit ton catalogue ?

Dans le milieu des connaisseurs et spécialistes du thé, il y a une part de snobisme. Je voulais me détacher de cette étiquette. Alors j’ai beaucoup observé ce que les clients aimaient lors de mes expériences, notamment chez Teavana. Je n’avais jamais rien vendu dans ma vie et je n’avais pas du tout confiance en moi. Pourtant j’étais leur meilleure vendeuse. Cette expérience m’a énormément appris : j’ai pris confiance, j’ai compris ce que les gens aiment et veulent, j’ai appris des tactiques commerciales, et j’ai pu faire le premier échantillonnage pour mes produits. Ensuite je suis allée au World Tea Expo à Las Vegas. C’est le plus grand salon du thé en Amérique du Nord. J’y ai noué énormément de contacts : des producteurs coréens, indiens. J’ai participé à des ateliers, des classes. J’ai ensuite commandé plein d’échantillons de thé (plusieurs centaines) pour déterminer mon catalogue.

Où peut-on acheter tes thés ?

J’ai continué à faire des festivals en 2019, et puis la pandémie est arrivée. Comme j’avais déjà ma boutique en ligne, ça plutôt été florissant pour moi. Et puis bien entendu ce que je propose collait avec le besoin de se sentir bien chez soi. Maintenant il y a un virage : j’ai l’impression que la tendance est aux voyages, aux expériences à l’extérieur. Les ventes en ligne ne sont plus ce qu’elles étaient. J’ai fait pas mal de festivals pendant deux ans et c’est énormément d’énergie, sans un retour significatif. J’aimerais bien avoir un local pour offrir des dégustations. Je collabore avec des salons de thé et cafés : chez Ginger room et à Reynolds Town.

Quel est le thé que tu vends le plus ?

Thé blanc parfumé à la mangue qui s’appelle Tropical Orchard White. Aussi il y a une grosse demande pour les tisanes.

Quel est ton thé préféré ?

Cela varie au fil de mes découvertes. Je reviens d’un voyage à Taïwan, et en ce moment je me régale de thé oolong. J’aime ses arômes floraux et végétaux.

Combien existe-t-il de thés ?

Tous les thés viennent de la même feuille. La plante est le camélia sinensis. Avec une feuille de cet arbuste on peut fabriquer les 6 sortes de thés. C’est le traitement des feuilles qui va créer les 6 sortes. Tout l’art consiste à ajuster le degré l’oxydation. Entre la feuille et le produit fini il peut s’écouler de quelques heures à quelques jours. Par exemple pour obtenir un thé blanc il faut plusieurs jours. Et puis il y a les thés qu’on dit post-fermentés qui subissent des traitements sur plusieurs mois et qui mûrissent comme les vins. Au-delà, il y a tout l’univers des tisanes et infusions, mais ce ne sont pas des thés.

Quel pays ou mode de culture t’a le plus fascinée ?

Ce que j’aime ce sont les liens humains que cette boisson peut créer. Ce sont les petits producteurs qui me touchent le plus. Je pense à cette femme à Taiwan qui a défié tous les stéréotypes et carcans culturels en reprenant les jardins de son père et son grand père et s’est tournée entièrement vers le bio. Pour elle ce n’est pas que le goût qui compte mais aussi les effets sur le corps. Donc sa culture ne peut être que bio.

Est-ce qu’il y a des plantations aux USA ?

Absolument : il y a des plantations de thé au Mississipi, en Caroline du Sud vers Charleston et à Hawaï. Certaines proposent de cueillir et faire son thé soi-même.

As-tu une anecdote à raconter ?

Tu sais, quand tu décides de professionnaliser ta passion, tu es toujours prise de doutes et tu te demandes si tu es à la hauteur. Ce sont finalement les autres qui te permettent de te sentir à ta place. Et cela m’est arrivé à Taiwan. J’ai eu la chance de rencontrer un grand maître. Au début de notre rencontre il était un peu distant et nous avons commencé à boire du thé. Avec l’aide d’un traducteur je lui ai décrit ce que je goûtais. Et de tasse en tasse, je crois qu’il a compris que je m’y connaissais un peu et il m’a offert de boire avec lui des thés exceptionnels. Il m’a promulgué des conseils et m’a dit que j’avais du talent. Cela me fait bizarre de dire cela maintenant mais j’ai été adoubée et reconnue dans le cercle des grands connaisseurs. On me reconnait pour mon palais. Alors je me dit que j’ai choisi la bonne voie !

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