Quel est ton parcours de la Normandie jusqu’à Phoenix dans l’Oregon ?
Je suis venue en tant que jeune fille au pair il y a 25 ans. Et j’ai pris racine ! Je suis depuis onze ans en Oregon. Je suis mariée avec un Américain et nous avons deux enfants.
Quand as-tu ouvert ta fromagerie ?
En 2018, après avoir travaillé longtemps pour les rayons crèmerie de supermarchés. Je suis dans une petite vallée au Sud de l’État. C’est une région très agricole avec principalement de la viticulture et de l’élevage. Je vends des fromages locaux et des fromages importés. Je passe par des grossistes locaux qui s’occupent de l’importation. Je n’importe pas moi-même. Et je vends sur place, pas en ligne.
Qu’est-ce que tu proposes ?
J’ai toutes sortes de fromages, dont celui qui a été élu le meilleur du monde en 2019 : le Rogue River Blue. C’est un fromage à pâte persillée qui est fabriqué près de mon magasin et dont l’usine appartient au groupe laitier français Savencia. J’ai à cœur de faire découvrir les fromages locaux mais les prix sont très élevés. Les fromages français même rendus ici restent plus compétitifs. Et je vends aussi cinq sortes de beurre français.
Mes clients peuvent me commander des plateaux de fromage. Et j’organise une fois par mois des accords fromages-boissons autour d’un thème pour des groupes de seize personnes. J’ai une licence qui m’autorise à vendre et servir des boissons comme le vin, le cidre, l’hydromel et la bière.
Qui sont tes clients ?
Ce sont principalement des Américains, et j’ai aussi des Français qui vivent ici ou qui sont de passage dans la région. Il faut dire que j’ai une petite notoriété grâce à un reportage au journal télévisé de France 2 qui a fait un sujet sur le meilleur fromage du monde en 2019 et qui en a profité pour me filmer et m’interroger, et puis grâce aux médias locaux qui s’intéressent à ce qu’on fait dans la région
On bénéficie aussi de la popularité de la viticulture qui attire les connaisseurs et les gourmets. Et comme le vin et le fromage vont bien ensemble c’est parfait !
Quel est le plus grand défi dans ton business ?
C’est l’inflation. Même si la région attire les touristes pour le vin ou la nature magnifique, nous avons eu beaucoup de difficultés. Le Covid ne nous a déjà pas aidés, mais le coup de massue ça a été les incendies. Près d’ici, deux villes ont perdu la moitié de leurs habitations et commerces. Nous-même nous avons dû évacuer. Après tout ça, les gens n’ont plus de sous et sont inquiets.
Pour m’en sortir, je partage mon local avec un ami d’origine japonaise qui vend du café. Et je fais très attention à mes prix. Nous avons un petit supermarché gourmet d’une chaîne locale à côté d’ici et je m’assure d’être moins chère qu’eux. En plus j’emballe mes fromages dans du papier spécial quand partout ailleurs ils utilisent du plastique. J’essaye de me différencier.
Quel est le fromage que tu vends le plus ?
Figure-toi que ce n’est pas un fromage, c’est le beurre salé Paysan Breton ! Sinon en tête ce sont les fromages crémeux de type Brie ou Brillat Savarin. Je vends aussi beaucoup de Cheddar à cristaux de protéines.
Et toi lequel est ton préféré ?
C’est une question vache pour une fromagère. Cela dépend de mon humeur. Quand j’ai besoin de réconfort, le fromage à raclette et le Pavé d’Affinois sont mes douceurs !
Est-ce que tu proposes des services extérieurs à ta boutique ?
Je travaille avec quelques restaurants et salles de dégustations de vignobles. J’aimerais bien en avoir plus. Notre région est aussi connue pour son esprit hippie, pour la marijuana et les champignons. Peut-être qu’il y aurait des partenariats à explorer. D’autant que la nouvelle tendance c’est le fromage à la truffe !
As-tu une anecdote à raconter ?
Récemment j’ai un client qui rentre et qui me dit « vous aviez un fromage sympa dont le nom commence par J ou G ». Je lui demande de me donner plus de détails, comme la couleur, la texture, le goût. Il me répond « je ne sais pas mais ça commençait par une lettre ». De quoi devenir chèvre !
