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Une biologiste marine de renom à Hawaï

Recherches marines
Aude Pacini est biologiste marine à l’Université dd’Hawaï Manoa à Honolulu. Spécialiste de l’acoustique chez les mammifères marins, elle a participé à de multiples recherches et documentaires.

Comment es-tu arrivée à Hawaï ? 

Ma famille est corse, mais je suis née et j’ai grandi sur la Côte d’Azur. L’univers marin a toujours fait partie de ma vie. Ma destinée c’était d’étudier la mer et ses habitants. En 2001 je suis partie faire des études de biologie marine en Californie. J’ai été acceptée « par exception » c’est-à-dire que bien que je n’eusse pas les prérequis obligatoires dans ma candidature, l’université m’a donné ma chance. Ils ont été intéressés par mes objectifs et mon cursus un peu atypique. C’est toute la beauté des institution américaines : il y a un processus et des réglementations mais c’est possible de tenter sa chance pour ceux qui ont la gnaque. 

Cinq ans plus tard, je me suis installée à Hawaï où j’ai obtenu mon doctorat au MMRP (Marine Mammal Research Program)

Quels sont tes sujets d’étude exactement ?

Les cétacés principalement. J’étudie leur écologie et comportement en me concentrant sur leu acoustique. Grâce à des hydrophones que l’on place sur les fonds marins, on sait qui est passé là, comment ils se déplacent, combien et quels bateaux ils ont croisé et comment tout cela interagit.

Le but c’est évidemment de comprendre les comportements des animaux et l’impact de nos activités sur ces espèces qui sont en haut de l’écosystème. 

Quel est l’équipement d’observation que tu préfères ?

Depuis qu’on peut placer des tags avec des caméras sur les animaux, nous pouvons obtenir des images exceptionnelles, comme si on était eux. Si tu regardes le documentaire Netflix Our Oceans, https://www.netflix.com/title/81139969 auquel notre équipe a participé, tu verras des images que nous avons obtenues. L’impact des images est super puissant parce que le public peut connecter. Cela nous sert à participer à beaucoup de programmes éducatifs.

On pourrait penser que les habitants des iles du Pacifique en savent déjà beaucoup sur les Océans et leur faune.

Souvent ce qu’on a à portée de main ne suffit pas à attiser la curiosité. Notre rôle c’est aussi de pallier le manque d’intérêt et d’accès parfois, et de rappeler aux habitants qu’ils ont des trésors à leur portée. Nous intervenons dans les écoles locales, et aussi lors d’échanges scolaires. Nous avons reçu par exemple des enfants pendant dix jours de toutes les îles d’Hawaï et même des Samoa. Et bien sûr des documentaires comme celui sur Netflix que je t’ai cité contribue énormément à la renommée de nos travaux.

Est-ce que tu interviens à d’autres niveaux ?

Oui absolument. Au-delà de mes observations scientifiques, j’ai besoin de comprendre les réglementations, les rouages qui permettent les applications dans la vie réelle.

Je suis invitée à participer à des études soit comme indépendante, soit avec une équipe de 6 autres femmes scientifiques dans une organisation britannique. La plupart du temps nous faisons des études d’impact environnemental pour des gouvernements, des fondations ou des entreprises. C’est le cas pour les énergies renouvelables par exemple où nous servons de conseil pour l’intégration des projets en préservant la faune. 

Quelles sont les différences que tu as pu observer quand tu travailles à l’Université et quand tu travailles dans le privé ?

Ce sont deux mondes assez distincts. A l’université la règlementation est souvent lourde. Alors que dans le privé il y a une efficacité et une mise en pratique ultra rapide. J’aime connaître ces deux approches.

Est-ce que tu es déjà allée au contact de baleines, dauphins ou otaries ?

Alors oui, mais cela reste exceptionnel. Nos observations ont pour but de ne pas déranger les animaux. Cela pourrait avoir une incidence sur leur comportement. En tant que scientifiques nous devons être le plus effacés possible. Ces recherches, qui sont souvent très couteuses, sont permises grâce des autorisations, des règlementations, des permis d’État et fédéraux, en plus des avis d’un comité d’éthique. La formation pour aller en expédition a un côté très strict qui permet de protéger les animaux.

Y a-t-il un souvenir qui t’a particulièrement marquée ?

Je crois que le plus grand moment de ma carrière a été une symphonie des éléments suspendue dans le temps. 

Le violoncelliste Yo Yo Ma était venu à Hawaï et voulait jouer sur une pirogue polynésienne sur la route de migration des baleines à bosse. En tant que bioacousticienne je devais enregistrer les sons sous-marins. Au moment où il a commencé à jouer « Over the rainbow » de Edgar Yipsel Harburg et repris magistralement par Iz Kamakawiwo’ole, nous avons tous été captivés par ce moment magique. Ce n’est qu’en revoyant la vidéo qu’on a vu qu’une baleine avait sauté devant nous au large. Tout était réuni : la culture, la nature et la science en un moment absolument féérique. Tu vois, chaque fois que j’y repense je reprends foi en l‘humanité : on peut tous se retrouver dans la magie d’un moment.

Voici le lien vers la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=6a3KNbtdAbU

Quand tu parles de foi en l’humanité j’imagine que tu penses à la génération de ta fille. Comment vit-elle ce que tu fais ?

Ma fille et née en août 2019. On n’a pas pu fêter ses deux premiers anniversaires en famille. Mais elle a l’opportunité de m’accompagner pendant mes recherches et elle a même nagé avec des. Nous collaborons avec le centre de Dolphin Quest pour valider nos méthodes et nouvelles technologies avec des dauphins nés dans ces centres de soin. Alors c’est sûr que pour elle, ce monde marin fait presque encore davantage partie de sa vie que de la mienne à son âge. Je ne serais pas étonnée qu’elle choisisse elle aussi un métier en rapport avec la mer !

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